J’avais trois ans

J’vous averti tu suite, le texte qui suit n’en ai pas un cute avec des licornes et des confettis, c’est pas un texte pour t’réchauffer l’coeur ou pour te dire que l’amour ça existe. C’est un texte qui m’sort des tripes, que j’ai l’goût d’crier haut et fort en crachant par terre, mais en même temps, c’est aussi un texte que j’ai l’goût d’garder juste pour moi et d’brûler pour pas faire de chicane. Alors voilà, j’saute un peu dans l’vide les yeux fermés et j’hurle en tombant…

J’avais trois ans quand j’ai vu ton pénis.

Mon plus loin souvenir d’enfance c’est pas un manège de La Ronde, c’est pas la visite surprise du Père Noël qui sent la robine, c’est pas non plus un Halloween à manger tellement d’bonbons que j’en ai été malade. Non. Le souvenir le plus loin qu’j’ai, il est clair comme si c’était hier, celui de toi, debout dans la salle de bain, flambant nu en pleine érection qui m’demande de v’nir toucher comme c’est doux.

Par chance, ma mère m’a toujours dit « ton corps c’est ton corps », que si ça ne semblait pas normal, de tout de suite lui dire. Et c’est c’que j’ai fait. À la vue de ta masculinité tellement pas virile, tellement dégueulasse, j’étais figée, ça bougeait tellement vite dans ma tête de p’tite fille de trois ans… une chose était claire : non je n’allais pas toucher pour voir comme c’était doux. Je remercie ma mère de m’avoir donné du caractère et de pouvoir flairer les dérangés comme toi.

Comme dans la plupart des situations du genre, t’étais quelqu’un d’confiance dans notre entourage, j’te connaissais bien, mais jamais comme ça. Et t’as fait ça sournoisement, quelques minutes avant, on jouait pourtant, on riait… enfin, c’est c’que j’pensais. Mais même en jouant, c’que tu faisais n’était pas normal, n’était pas correct. Tu m’chatouillais, je riais, puis à mon tour, j’te chatouillais, mais toi, tu n’riais pas. « Mais pourquoi tu ris pas ? T’es pas chatouilleux ? ». Mais si tu l’étais, juste pas en dessous des bras, ni dans le cou, toi t’étais chatouilleux juste là… plus bas… oui oui, là.

J’dois prendre une pause pour écrire ces lignes, j’en r’viens pas de c’que t’as fait; j’ai 32 ans aujourd’hui et mon coeur débat encore, mes doigts sont figés sur mon clavier et les mots s’bousculent dans ma tête comme pour tout dire et rien dire en même temps. J’ai un petit garçon maintenant et la gorge me serre juste à penser que quelqu’un pourrait y faire c’que t’as fait. Tu m’répugnes. J’me souviens de chaque détail, de la sensation du tissus du divan carotté des années 80, de ton rire de marde quand j’te “chatouillais”, de ton haleine qui puait l’Exporte vert roulé…

J’avais 3 ans merde ! Et en plus, t’as eu l’culot de t’réessayer quand j’avais 12 ans. L’âge ingrat d’la puberté des filles, où nos seins commencent à pousser et par malheur, par capter le regard de ceux comme toi. Mais j’étais sur mes gardes à 12 ans, mon caractère plus affirmé, j’ai pas eu peur de t’repousser et de t’dire en pleine face d’arrêter et qu’t’étais saoul.

Je sais que y’en a malheureusement des centaines qui sont passées par là, dans d’autres situations et souvent, bien trop souvent, des situations beaucoup plus traumatisantes et pires que c’que j’ai vécu. C’est en écoutant l’entrevue de Geneviève Simard à Tout le monde en parle que j’me suis dit que c’était à mon tour de prendre parole, de raconter mon histoire, aussi peu petite et banale qu’elle peut peut-être sembler comparativement à d’autres, ça reste un événement que je n’aurais jamais dû vivre et que plusieurs autres ne devraient jamais connaître.

J’peux pas croire qu’encore aujourd’hui des filles et des garçons sont agressés, harcelés. On doit continuer d’en parler, de l’dire à nos parents, un ami au pire, quelqu’un qui peut nous écouter, nous aider et dénoncer. Dénonçons haut et fort, n’arrêtons jamais de s’faire entendre, c’est de cette façon que nous arriverons à les empêcher, à leur enlever leur pouvoir. Et surtout, parlez-en à vos enfants, apprenez-leur à se protéger, à déceler quand ce n’est pas correct et que, comme disais ma mère, « ton corps c’est ton corps ».

Si vous avez besoin d’un coup d’pouce, contactez les CALACS au 1-888-933-9007

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